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Interview Robin Hanson - “Si même un petit nombre d’entre nous cherchait honnêtement la vérité, nous n’aurions plus de désaccords entre nous”

interview Internet Actu du 3 octobre 2006, par D. Kaplan

Par / By T.Ulmet - Lundi 9 Octobre 2006, 15:56 - dans / in Dossiers documentaires

Economiste, ingénieur, penseur de la rupture, Robin Hanson enseigne l’économie à l’Université George Mason (Virginie). Il a une formation en Physique et en Informatique et s’intéresse également à la prospective. Penseur critique, il défend des idées nouvelles, tout particulièrement dans le domaine des technologies numériques et de leurs impacts, ainsi que des théories très originales sur le développement des sociétés, les origines de la vie et l’intelligence artificielle.

InternetActu.net : A partir de votre double formation d’économiste et d’ingénieur, vous vous intéressez aux dynamiques techno-sociales du changement, dans un grand nombre de domaines. En regardant l’avenir à 20 ans, y a-t-il des transformations que vous considérez à la fois comme inévitables, et trop rarement évoquées ?

Robin Hanson : Je vous en citerai trois : aux Etats-Unis, l’accroissement des dépenses de santé conduira sans aucun doute à une crise du système public de sécurité sociale (Medicare et Medicaid), ce qui conduira, soit à une forte augmentation des cotisations, soit à une forte réduction des prestations.

L’amélioration rapide des technologies de surveillance dans le monde développé conduira, soit à des législations prohibant le recours à ces technologies, soit à l’enregistrement audio et vidéo de la plupart des gens, presque tout le temps.

Le produit national brut mondial fera plus que doubler en 20 ans. La richesse et l’espérance de vie des habitants des pays en développement continueront de croître, ce qui réduira les conflits et les crises internes.

InternetActu.net : Des bases sous-marines ou spatiales autonomes, des nano-fabriques personnelles, des robots plus-qu’humains, des communautés néo-rurales… Pour vous, la plupart des futurologues (et beaucoup d’écrivains de science-fiction) pensent l’avenir selon des modèles autarciques, alors que le mouvement historique des sociétés nous conduit à une interdépendance croissante. Cependant, cette tendance historique ne pourrait-elle pas se retourner à cause de la crise énergétique qui se profile, au travers de la recherche de formes de développement plus “durables” ?

Robin Hanson : Nous avons tendance à valoriser l’autarcie, mais l’autarcie n’est pas une approche féconde, ni pour le développement durable, ni pour un usage efficient de l’énergie. Pour produire des ampoules électriques plus efficientes, par exemple, il faut de vastes usines ultra-modernes ; on ne pourra pas les bricoler à la maison.

Il y a beaucoup de formes possibles d’autarcie, mais la combinatoire fait qu’il y a bien plus de formes possibles pour une société interdépenante. Bien sûr, beaucoup de gens préfèreront le statu quo et s’effraieront de ces possibilités. Le défi est d’inventer des alternatives plus attirantes.

InternetActu.net : Vous formulez une affirmation plutôt osée : Si même un petit nombre d’entre nous cherchait honnêtement la vérité, nous n’aurions plus de désaccords entre nous (.pdf).” Vous en déduisez l’idée de “marché des options sur les idées” (Idea futures) , au travers desquels chacun miserait de l’argent sur ce qu’ils pensent être vrai…

Robin Hanson : Il n’est pas si difficile de chercher la vérité. Il suffit d’écouter avec attention ce que disent les autres, d’observer les faits et de considérer avec attention les possibilités les plus manifestes. Le problème est que, souvent, nous préférons ne pas chercher la vérité, parce que nous savons à l’avance ce que nous souhaitons croire. Parier sur un marché des idées constitue une option intéressante, parce que nous serions pénalisés si nous ne cherchions pas la vérité. S’il existait des marchés pour parier sur les enjeux de l’avenir, nous verrions probablement émerger un consensus plus honnête sur les conséquences de nos choix.

InternetActu.net : Nous avons toujours vécu en nous racontant des histoires - et l’on peut même penser que le fait de nous illusionner nous-mêmes facilite nos relations avec les autres. Pourquoi faudrait-il changer cela maintenant ?

Robin Hanson : Nos manières de nous illusionner nous-mêmes, et les niveaux auxquels nous le faisions, étaient adaptés au monde de nos lointains ancêtres. Cela fonctionne encore assez bien pour de nombreux aspects de nos vies personnelles et familiales, parce qu’au fond, elles n’ont pas tant changé que cela. Mais si nous nous intéressons aux phénomènes globaux ou aux implications à long terme des technologies modernes, alors nos préjugés ne sont plus du tout adaptés.

Autrement dit, dans toute situation, l’ensemble des choix adaptés constitue toujours un petit sous-ensemble de l’ensemble des choix possibles. Si le monde change mais pas nos choix, la probabilité que ceux-ci soient adaptés à ce nouveau monde est mince…


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